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Retour vers Avatars de Nerval

Éléments d'interprétation

Voici quelques notes qui pourront vous aider à interpréter El Desdichado, et en conséquence à mieux apprécier ce poème et ses diverses réécritures.

Gérard LABRUNIE, dit Gérard de NERVAL

Écrivain français (Paris, 1808 - id., 1855). Privé tôt de sa mère, il fut élevé parmi les paysages mélancoliques et les récits légendaires du Valois.

Dans des poèmes délicats comme Fantaisie (1832) apparaissait la première incarnation du mythe féminin qu'il poursuivit toute sa vie, la blonde Adrienne qui mourut au couvent. De 1836 à 1841, une passion malheureuse pour l'actrice Jenny Colon accentua cet « épanchement du songe dans la vie réelle » : Adrienne et Jenny sont dès lors les deux incarnations (la « Sainte » et la « Fée ») de son éternel féminin, qui se confond bientôt avec l'âme de la nature, puis avec la Vierge Marie ou sa propre mère qui intercède pour sa rédemption.

Sujet désormais au délire, il transcrivit cependant les principaux épisodes de son aventure spirituelle dans Les Filles du feu (1854), Aurélia ou Pandora, comme dans les sonnets des Chimères (1854). On le retrouva pendu, près du Châtelet.

Nerval est convaincu que le songe aide à « percer ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible ».

Extrait du Petit Robert 2, dictionnaire universel des noms propres (1986).

Un bon index des sites Web consacrés à Nerval se trouve chez Philippe Lavergne. Vous pouvez aussi voir la tombe de Nerval au cimetière du Père Lachaise.

Les Chimères

Sonnets de G. de Nerval (1844), publiés en appendice des Filles du feu (1854). Ces douze poèmes « composés dans [un] état de rêverie supernaturaliste » expriment d'une façon allusive et symbolique la hantise mystique du poète.

Écrits dans une langue ésotérique et chargés d'allusions à des souvenirs à moitié rêvés (Myrtho), ces sonnets, parfois obscurs, sont remarquables par la musicalité de leurs vers et la splendeur des visions qu'ils suscitent (El Desdichado).

Extrait du Petit Robert 2, dictionnaire universel des noms propres (1986).

El Desdichado

Le mot espagnol « desdichado », dérivé de « dicha » (bonheur), signifie « malheureux ». Dans le cas du poème de Nerval, on le traduit traditionnellement par « déshérité », à la suite de Walter Scott qui, dans Ivanhoe, traduit en anglais « desdichado » par « disinherited ». Il se prononce « dess-di-tcha-do », même si beaucoup de Français (y compris Georges Perec) disent, à tort, « dess-di-ka-do ».

Et voici Gérard de NERVAL (Gérard LABRUNIE) à la recherche lui aussi de son identité.

Dans Le Déshérité, alternent angoisse, désespoir (le pouvoir seigneurial des LABRUNIE a été aboli par l'Ancien Régime — le poète a eu deux crises de folie en 1841 et 1853) et souvenirs heureux (voyage en Italie, rendez-vous avec la jeune anglaise qui lui fera oublier un funeste projet, Sylvie, baiser d'Adrienne...)

Dans le roman IVANHOE de Walter SCOTT un mystérieux chevalier, compagnon de Richard Cœur de Lion, dépossédé de son château par Jean Sans Terre, se présente sans armoiries dans un tournoi ; son bouclier, à côté d'un chêne déraciné et d'un soleil noir, portait le mot espagnol « Desdichado » !

Gérard de NERVAL est ce chevalier du Moyen Âge condamné à vivre dans les ténèbres, seul, atteint — par la fatalité — d'une éternelle douleur psychologique et sentimentale. Bercé dans son enfance de récits légendaires, et parce qu'il pensait descendre d'une ancienne famille du Périgord, apparentée aux BIRON et LUSIGNAN comte de Poitou — qui devint roi de CHYPRE et qui, selon la légende épousa la fée MÉLUSINE — il s'identifie avec bonheur aux personnages du folklore et aux dieux de la mythologie grecque.

Josette Perlin, dans Le Coin du Poète.

On trouve quelques résonances avec des mots du poème dans la préface des Filles du feu, quand Nerval se plaint d'être abandonné des dames :

Me voici encore dans ma prison, madame ; toujours imprudent, toujours coupable à ce qu'il semble, et toujours confiant, hélas ! dans cette belle étoile de comédie, qui a bien voulu m'appeler un instant son destin. [...] Ainsi, moi, le brillant comédien naguère, le prince ignoré, l'amant mystérieux, le déshérité, le banni de liesse, le beau ténébreux, adoré des marquises comme des présidentes, moi, le favori bien indigne de madame Bouvillon, je n'ai pas été mieux traité que ce pauvre Ragotin, un poétereau de province, un robin !...


Nicolas Graner, 2000, Licence Art Libre