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Liponombres

Sommaire.

1. Terminologie.
2. Les entiers naturels et les autres.
3. Dénombrement des liponombres.
4. Arithmétique.
4.1. Addition de liponombres de base.
4.2. Addition de liponombres quelconques.
4.3. Produit de deux liponombres.
5. Liponombres premiers.
6. Liponombres parfaits.
7. Extension du vocabulaire.
8. Remerciements.
Post-scriptum 1.
Post-scriptum 2.

1. Terminologie.

Un lipogramme est un texte dans lequel l'auteur s'astreint à ne pas utiliser une ou plusieurs lettres de l'alphabet, le plus souvent la lettre E. Par analogie, nous avons choisi d'appeler « liponombre » tout nombre dont le nom ne comporte pas la lettre E. Nous étudions dans cet article quelques propriétés de l'ensemble des liponombres.

Lorsque l'on parle de nombres dont le nom ne comporte pas d'E, il est important de préciser de quel nom il s'agit. En effet, il est toujours possible de désigner un nombre de plusieurs façons en français : « neuf », « dix moins un », « le plus petit nombre impair composé » et « le dernier chiffre du nombre de Ramanujan » sont tous des synonymes parfaitement acceptables, dont un seul est un lipogramme en E. Plus généralement, tout entier naturel peut s'exprimer sans E de multiples façons, ne serait-ce que sous la forme « un plus un plus un plus un... ».

Précisons donc qu'un liponombre est défini par rapport à son nom « canonique » ou « officiel », celui qu'on emploie normalement pour lire le nombre à haute voix quand il est écrit en chiffres, à l'exclusion de toute opération.

Cette précision peut paraître purement formelle tant qu'on ne traite que des nombres d'usage courant, mais elle prend son sens quand on s'intéresse aux très grands nombres. Quel est, par exemple, le nom canonique du nombre 1 000 000 000 000 000 ?

Selon les sources ou les préférences personnelles, on pourra le lire « un billiard », « mille billions », « un million de milliards » ou « dix puissance quinze », sans que l'une de ces expressions soit nécessairement plus officielle que les autres.

Le seul texte faisant autorité en ce domaine que nous ayons pu trouver est une note annexée au décret n° 61-501 du 3 mai 1961 relatif aux unités de mesure et au contrôle des instruments de mesure (J.O. du 20 mai 1961) modifié par les décrets n° 75-1200 du 4 décembre 1975 et n° 82-203 du 26 février 1982. Cette note dit :

« Note 3. - Conventions :

A. - Enoncé des très grands nombres. - Pour énoncer les puissances de 10, à partir de 1012 on applique la règle exprimée par la formule : 106N = (N) illion.

Exemples : 1012 = billion, 1018 = trillion, 1024 = quatrillion, 1030 = quintillion, 1036 = sextillion, etc. »

On appréciera l'usage de cet etc. final, plutôt incongru dans un texte réglementaire, qui laisse indécise la question d'une nomenclature exhaustive. Cette note appelle également d'autres remarques :

Nous devrons attendre l'achèvement de la neuvième édition du Dictionnaire de l'Académie Française pour savoir si des mots tels que « octillion » ou « vigintillion » y figureront. Les éditions précédentes ne peuvent faire référence en ce domaine, car elles sont antérieures au décret du 3 mai 1961 qui a modifié le sens de ces noms (auparavant, un (N) illion valait 10(3N+3), comme c'est toujours le cas dans certains pays).

Dans le doute, et en vertu du principe de précaution, nous nous en tiendrons pour l'essentiel de cet article aux termes cités dans la note susmentionnée, qui coïncident avec ceux possédant une entrée dans le Petit Robert. Nous reviendrons sur ce choix dans la section 7, où nous verrons que les principaux résultats que nous avons obtenus restent qualitativement inchangés si l'on choisit d'enrichir ce vocabulaire.

Les seuls termes utilisés ici pour désigner des nombres supérieurs à mille seront donc :

million, milliard, billion, trillion, quatrillion, quintillion et sextillion.

Les nombres supérieurs à un sextillion pourront être désignés sous la forme « mille sextillions », « dix mille millions de sextillions », etc., ou encore sous forme de puissances de dix. Nous verrons ci-dessous que cela importe peu pour le propos de cet article.

2. Les entiers naturels et les autres.

Examinons successivement les différentes classes de nombres existant, afin de déterminer lesquelles sont susceptibles de fournir des liponombres.

Tout d'abord, il est clair que nous n'aurons à considérer que des nombres entiers car tout nombre non entier contient, dans sa dénomination canonique, le mot « virgule » qui comporte un E (nous excluons de désigner les nombres par des expression telles que « vingt-cinq sur vingt-trois », même quand c'est le seul moyen de les définir de façon exacte).

On pourrait faire une exception pour quelques nombres ayant un nom particulier bien établi, comme pi ou i. Cela ne changerait pas fondamentalement les considérations qui vont suivre, apportant seulement des corrections mineures à certains dénombrements.

Les nombres complexes, en-dehors de i lui-même, ne s'expriment que comme des opérations (comme « trois plus cinq i »), et nous ne les prendrons donc pas en compte.

Tout nombre entier positif engendre un nombre négatif si on le fait précéder de « moins », mot dépourvu d'E. Il y a donc une bijection parfaite entre les liponombres positifs et négatifs (notons que « zéro » n'est pas un liponombre, et remarquons au passage qu'il est le seul nombre qui utilise une lettre accentuée). Dans toute la suite nous ne considérerons que les entiers positifs, étant entendu que les divers dénombrements doivent être doublés si l'on veut prendre en compte les négatifs.

Il ne nous reste plus qu'à rechercher des liponombres parmi les entiers naturels un, deux, trois...

3. Dénombrement des liponombres.

Les nombres de un à vingt ne présentant pas de régularité, il faut les examiner un par un pour repérer ceux qui n'ont pas d'E. On en trouve huit :

un, trois, cinq, six, huit, dix, dix-huit, vingt.

De vingt et un à vingt-neuf, on ajoute « vingt » devant les nombres de un à neuf. En raison du E de « et » dans « vingt et un », ceci ne fournit que quatre nouveaux liponombres :

vingt-trois, vingt-cinq, vingt-six, vingt-huit.

Nous avons donc douze liponombres inférieurs à trente, que nous appellerons « liponombres de base ».

De trente à soixante-dix-neuf, tous les nombres contiennent un mot en « -ente » ou « -ante », donc un E. Les vingt suivants commencent par « quatre-vingt », qui en contient aussi. Notez que la nomenclature belge ou suisse (septante, octante ou huitante, nonante) ne change rien à la liste des liponombres.

De cent à neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, tous les nombres contiennent le mot « cent », donc là encore pas de liponombre.

Pas plus de succès entre mille et neuf cent quatre-vingt-dix-neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf en raison de la présence obligatoire du mot « mille ».

On voit donc qu'avant d'arriver à un million, notre collection se limite aux douze liponombres de base.

Ensuite entrent en scène les noms de grands nombres introduits dans la section 1. Parmi les sept noms retenus, seuls six sont exempts de E :

million, milliard, billion, trillion, quatrillion, quintillion.

Nous reviendrons ci-dessous sur la façon dont ces noms se combinent avec les liponombres de base.

Comme nous l'avons vu plus haut, les nombres plus grands qu'un sextillion contiennent tous dans leur nom, soit le mot « sextillion », soit le mot « puissance », selon la convention retenue, et ne sont donc jamais des liponombres.

Nous obtenons ainsi notre premier résultat fondamental :

Le nombre des liponombres est fini.

Pour dénombrer exactement les liponombres, voyons comment se combinent les douze liponombres de base avec les six noms de grands nombres.

Un liponombre typique pourrait être par exemple :

vingt-trois quatrillions dix-huit billions trois milliards un million vingt-cinq.

Plus généralement, tous les liponombres sont de la forme :

N1 quintillion(s) N2 quatrillion(s) N3 trillion(s) N4 billion(s) N5 milliard(s) N6 million(s) N7

dans laquelle chacun des nombres N1, N2, ..., N7 est :

avec la restriction que les N ne peuvent pas être tous égaux à zéro (sinon le nombre total vaudrait zéro, qui contient un E).

On pourra donc désigner sans ambiguïté un liponombre par une liste de sept nombres (N1;N2;N3;N4;N5;N6;N7) que nous appellerons ses « composantes ». Chaque composante d'un liponombre peut prendre l'une des treize valeurs 0, 1, 3, 5, 6, 8, 10, 18, 20, 23, 25, 26 ou 28.

Le plus grand liponombre existant a pour composantes (28;28;28;28;28;28;28), c'est le nombre :

vingt-huit quintillions vingt-huit quatrillions vingt-huit trillions vingt-huit billions vingt-huit milliards vingt-huit millions vingt-huit
soit 28 000 028 000 028 000 028 028 028 000 028.

Le liponombre ayant le nom le plus long s'obtient à partir de celui-ci en remplaçant tous les huit par des trois.

Le plus petit liponombre positif est évidemment « un », qui est aussi celui dont le nom est le plus court.

Le dénombrement complet des liponombres se déduit aisément de cette structure générale. Puisque chacune des sept composantes peut prendre treize valeurs, le nombre de combinaisons possibles est 13 × 13 × 13 × 13 × 13 × 13 × 13, d'où il faut retrancher le cas où toutes les composantes sont nulles.

Il existe en tout 137 - 1 = 62 748 516 liponombres.

4. Arithmétique.

Les opérations arithmétiques entre deux liponombres donnent rarement un liponombre comme résultat. En conséquence, les structures mathématiques que l'on peut définir sur l'ensemble des liponombres sont extrêmement pauvres.

Nous n'envisagerons ici que l'addition et la multiplication, l'étude des autres opérations étant laissée en exercice au lecteur.

4.1. Addition de liponombres de base.

L'addition de deux liponombres de base a pour résultat un liponombre dans environ un quart des cas. La table d'addition des liponombres de base est donnée ci-dessous :

+1356810182023252628
1626
368232628
56810232528
626
8182628
10182028
18232628
2023252628
232628
252628
26
28

On vérifie évidemment que l'addition des liponombres est commutative, comme celle des nombres ordinaires (X+Y est toujours égal à Y+X). En revanche elle n'est pas associative, c'est-à-dire que le résultat d'une série d'opérations dépend de l'ordre dans lequel on les effectue. Ainsi, pour calculer « dix plus huit plus cinq », on peut calculer d'abord « dix plus huit », qui vaut dix-huit, puis ajouter cinq pour obtenir vingt-trois. Mais si on commence par calculer « huit plus cinq » ce résultat intermédiaire n'est pas un liponombre, et on ne peut donc pas terminer le calcul. Autrement dit, dans l'ensemble des liponombres, (10+8)+5=23 mais 10+(8+5) n'est pas défini.

Dans cet exemple il est possible d'ordonner les opérations pour calculer la somme des trois liponombres en deux étapes. Dans d'autres cas ce n'est pas possible car aucune somme partielle de deux nombres ne donne un liponombre, bien que la somme globale en donne un. Ces cas sont les suivants :

un plus un plus un font trois,
trois plus un plus un font cinq,
six plus un plus un font huit,
six plus trois plus un font dix,
six plus six plus six font dix-huit,
huit plus un plus un font dix,
huit plus six plus six font vingt,
dix-huit plus un plus un font vingt,
dix-huit plus six plus un font vingt-cinq,
vingt-trois plus un plus un font vingt-cinq,
vingt-six plus un plus un font vingt-huit.

On trouve des cas semblables pour des sommes de quatre liponombres ou plus. On peut noter par exemple que la somme des cinq premiers liponombres est un liponombre :

un plus trois plus cinq plus six plus huit font vingt-trois

alors que les seules sommes partielles définies sont « un plus cinq » et « trois plus cinq ».

Note linguistique : dans le langage courant, une addition s'exprime sous l'une des deux formes « cinq et trois font huit » ou « cinq plus trois égale huit », qui utilisent toutes deux la lettre E. Pour des raisons purement esthétiques, nous avons adopté la forme hybride « cinq plus trois font huit » qui évite cette lettre.

En additionnant un nombre suffisant de liponombres de base, on peut également obtenir un liponombre qui n'est pas de base. En raison du « trou » entre vingt-huit et un million dans la liste des liponombres, une telle addition requiert nécessairement un grand nombre de termes. La plus petite somme de ce type contient 35715 termes :

vingt-huit plus vingt-huit plus vingt-huit plus ... [35714 fois] plus huit font un million.

4.2. Addition de liponombres quelconques.

Rappelons qu'un liponombre est défini par une liste de sept composantes, dont chacune vaut soit 0 soit un liponombre de base. L'addition de deux liponombres quelconques se fait en additionnant une à une leurs composantes, par exemple :

5 000 018 000 000 000 006
+3 000 008 000 028 000 020
=8 000 026 000 028 000 026

soit (0;0;5;18;0;0;6) + (0;0;3;8;0;28;20) = (0;0;8;26;0;28;26).

Pour que la somme de deux liponombres soit un liponombre, il faut et il suffit qu'à chacun des sept rangs, soit l'un des deux nombres ait une composante nulle, soit les deux composantes aient une somme définie dans la table d'addition ci-dessus. Par exemple, si la troisième composante de l'un des nombres est 23, la troisième composante de l'autre doit être 0, 3 ou 5, donnant pour troisième composante de la somme 23, 26 ou 28 respectivement.

Étant donné deux liponombres pris au hasard, quelle est la probabilité pour que leur somme soit également un liponombre ?

Considérons d'abord la première composante seule. Dans la table d'addition ci-dessus, on voit que sur les 144 couples de liponombres de base seuls 31 ont une somme qui est un liponombre. En ajoutant la valeur 0, qui peut être additionnée à n'importe quel liponombre, on obtient 169 couples possibles dont 56 ont pour somme un liponombre. En tirant au hasard la première composante de nos deux liponombres, la probabilité que leur somme puisse être la composante d'un liponombre est donc 56/169 (pratiquement une chance sur trois).

Les sept composantes étant indépendantes les unes des autres, la probabilité que deux liponombres pris au hasard aient pour somme un liponombre est :

(56/169)7 = 1 727 094 849 536 / 3 937 376 385 699 289 = 0,00043864103... soit environ une chance sur 2280.

En réalité cette estimation est très légèrement surévaluée (de 0,007% environ) car elle admet que l'un ou l'autre des liponombres puisse être égal à 0. Un calcul plus rigoureux excluant ces cas conduit à la valeur exacte :

(567 - 2×137 + 1) / (1697 - 2×137 + 1) = 1 726 969 352 503 / 3 937 376 260 202 256 = 0,00043860917...

En ce qui concerne les sommes de plus de deux termes, les remarques que nous avons faites sur les liponombres de base se transposent sans difficulté aux liponombres quelconques, en les appliquant séparément à chaque composante. Toutefois, le phénomène de « débordement » que nous avons observé en ajoutant des liponombres de base jusqu'à dépasser un million se produit beaucoup plus facilement si l'on part de liponombres plus grands. En effet, du fait de l'insertion du mot « milliard » entre « million » et « billion », le « trou » à franchir est ici beaucoup moins grand. Ainsi, il suffit d'additionner trente-six liponombres de l'ordre du million pour en obtenir un de l'ordre du milliard (contre 35715 termes pour passer de l'ordre de l'unité à l'ordre du million) :

vingt-huit millions plus vingt-huit millions plus ... [35 fois] plus vingt millions font un milliard.

4.3. Produit de deux liponombres.

Le produit de deux liponombres de base est assez décevant. En-dehors du nombre « un », qui s'accouple avec tous les autres, seuls deux produits ont pour résultat un liponombre. Ce n'est d'ailleurs pas surprenant puisque presque tous les autres produits sont supérieurs à vingt-huit. La table de multiplication ci-dessous frappe surtout par sa vacuité :

×1356810182023252628
11356810182023252628
3318
5525
6618
88
1010
1818
2020
2323
2525
2626
2828

Le produit de trois liponombres de base ou plus n'est possible que si tous les termes sauf deux sont égaux à 1, les deux autres étant pris dans la table ci-dessus.

La multiplication des grands liponombres est plus intéressante car, contrairement à l'addition, elle ne s'effectue pas composante par composante mais fait apparaître des interactions entre composantes.

Considérons par exemple le produit :

un million cinq fois trois millions cinq font trois billions vingt millions vingt-cinq,
soit 1 000 005 × 3 000 005 = 3 000 020 000 025

Le produit de ces deux liponombres est un liponombre bien que le produit de certaines de leurs composantes (trois fois cinq), qui intervient comme intermédiaire de calcul, ne le soit pas.

Nous étudierons en détail les produits de deux liponombres n'ayant que deux composantes non nulles, comme dans l'exemple ci-dessus. Les généralisations possibles sont proposées en exercice au lecteur courageux :

Dans le cas qui nous intéresse (deux liponombres ayant chacun exactement deux composantes non nulles), il faut distinguer deux situations selon l'emplacement de ces composantes, ou plus précisément selon l'écart entre les positions des composantes non nulles.

Premier cas : l'écart entre les rangs des deux composantes n'est pas le même dans les deux nombres.

Exemple : un billion trois millions fois un trillion six millions font un quintillion trois quatrillions six trillions dix-huit billions.
1 000003 000000 × 1 000000 000006 000000 = 1 000003 000006 000018 000000 000000

Dans ce cas il n'y a pas d'interférence entre les composantes. Les deux paires de composantes non nulles donnent quatre produits distincts, selon l'un des schémas :

(...a...b...) × (...c...d...) = (...ac...ad...bc...bd...)
ou
(...a...b...) × (...c...d...) = (...ac...bc...ad...bd...)

Grâce à la table de multiplication ci-dessus, on peut dresser la liste de tous les quadruplets (a,b,c,d) de liponombres de base tels que les quatre produits ac, ad, bc et bd soient aussi des liponombres. En supprimant les solutions équivalentes par échange de a et b, ou de c et d, ou des couples (a,b) et (c,d) on obtient la liste de tous les produits possibles :

(...1...1...) × (...c...d...) = (...c...d...c...d...)
où c et d sont n'importe quels liponombres de base (78 possibilités distinctes)
(...1...3...) × (...1...6...) = (...1...6...3...18...)
(...1...3...) × (...6...6...) = (...6...6...18...18...)
(...1...5...) × (...1...5...) = (...1...5...5...25...)
(...1...5...) × (...5...5...) = (...5...5...25...25...)
(...1...6...) × (...3...3...) = (...3...3...18...18...)
(...3...3...) × (...6...6...) = (...18...18...18...18...)
(...5...5...) × (...5...5...) = (...25...25...25...25...)

Dans chaque cas l'ordre des deuxième et troisième composantes du résultat peut être inversé, selon la position des composantes des opérandes (c'est-à-dire selon le nombre de zéros représenté par les points de suspension).

Deuxième cas : l'écart entre les rangs des deux composantes non nulles est le même dans les deux liponombres.

C'est le cas de l'exemple donné au début de cette section : 1 000 005 × 3 000 005 = 3 000 020 000 025

On voit que dans ce cas le produit n'a que trois composantes non nulles et non quatre, la composante du milieu étant une combinaison de toutes les composantes non nulles des opérandes selon le schéma :

(...a...b...) × (...c...d...) = (...ac...ad+bc...bd...)

Cette fois la consultation de la table de multiplication ne suffit pas à établir la liste des possibilités, puisqu'il est possible que ad+bc soit un liponombre bien que ad ou bc ne le soit pas.

Par une recherche exhaustive éliminant les solutions équivalentes par échange des couples (a,b) et (c,d), des couples (a,c) et (b,d) ou des couples (a,b) et (d,c) on obtient les solutions suivantes :

(...1...1...) × (...c...d...) = (...c...c+d...d...)
où c et d sont deux liponombres de base dont la somme est un liponombre (17 possibilités distinctes)
(...1...5...) × (...1...5...) = (...1...10...25...)
(...1...5...) × (...5...1...) = (...5...26...5...)
(...1...3...) × (...3...1...) = (...3...10...3...)
(...1...3...) × (...8...1...) = (...8...25...3...)
(...1...5...) × (...3...5...) = (...3...20...25...)

Les trois dernières lignes illustrent le cas que nous avons signalé où le produit de deux liponombres est un liponombre bien que le produit intermédiaire bc ne le soit pas.

Comme pour l'addition, on peut envisager le « débordement » d'une composante sur une autre, c'est-à-dire que le produit de liponombres de base donne un liponombre qui ne soit pas de base. Pour cela il faut au minimum un produit égal à mille (pour déborder des millions vers les milliards, ou des milliards vers les billions). Le simple produit de deux liponombres de base ne peut pas dépasser 784 (vingt-huit fois vingt-huit), mais des combinaisons de la forme ad+bc comme celles que nous avons vu apparaître ci-dessus peuvent dépasser mille.

Considérons par exemple le produit :

26 000 020 × 18 000 025 = 468 001 010 000 500.

Ce produit n'est pas un liponombre, mais il illustre la notion de débordement : la composante « du milieu » (rang des millions) vaut 26×25 + 20×18 = 1010, ce qui fait apparaître deux liponombres de base comme composantes du produit : un milliard dix millions. Malheureusement, les deux autres composantes du produit ne sont pas des liponombres.

Peut-on trouver deux liponombres dont le produit soit un liponombre faisant intervenir un tel débordement ? Pour répondre à cette question il faut commencer par trouver tous les quadruplets de liponombres de base (a,b,c,d) tels que la somme ad+bc soit égale à mille plus un liponombre de base (cette somme ne peut pas dépasser 28×28 + 28×28 = 1568). Il n'y a que quatre solutions :

26×26 + 18×18 = 1000
28×28 + 28× 8 = 1008
26×25 + 20×18 = 1010
25×25 + 20×20 = 1025

Mais si l'on cherche à utiliser ces combinaisons dans un produit complet de liponombres, d'autres produits partiels apparaissent nécessairement, et on vérifie aisément dans chaque cas que ce ne sont pas des liponombres.

La réponse est donc négative : le produit de deux liponombres n'est jamais un liponombre s'il fait apparaître un « débordement » d'une composante sur une autre.

5. Liponombres premiers.

Rappelons qu'un nombre premier est un nombre qui n'est divisible par aucun autre (sauf 1 et lui-même, précisent les puristes), comme 2, 3, 19, 997 etc. On sait depuis Euclide qu'il existe une infinité de nombres premiers, mais combien existe-t-il de liponombres premiers ?

Comme il n'existe que 62 748 516 liponombres en tout, il serait possible avec un ordinateur de bureau actuel de les tester un par un pour trouver lesquels sont premiers. Cependant il est préférable pour gagner du temps d'éliminer d'emblée ceux dont on voit facilement qu'ils ne peuvent pas l'être, à savoir ceux qui sont divisibles par 2, 3 ou 5.

Parmi les douze liponombres de base, seuls trois sont premiers : 3, 5 et 23. Les autres sont tous pairs, sauf 25 qui est divisible par 5.

Plus généralement, on sait que tout nombre qui se termine par 0, 2, 4, 6 ou 8 est pair, donc ne peut pas être premier (sauf 2 lui-même, qui n'est pas un liponombre).

En décrivant un liponombre par ses composantes (N1;N2;N3;N4;N5;N6;N7) on voit donc qu'un liponombre est pair si et seulement si N7 vaut 0, 6, 8, 10, 18, 20, 26 ou 28 (huit valeurs possibles sur treize). Un liponombre pair s'obtient en choisissant une valeur parmi treize pour les nombres N1 à N6, et une valeur parmi huit pour le nombre N7. En déduisant le cas où tous les N sont nuls, on voit que les liponombres pairs sont au nombre de (136 × 8) - 1 = 38 614 471.

Il reste 136 × 5 liponombres impairs à examiner.

Les nombres terminés par 0 ou 5 sont des multiples de 5, donc ne sont pas premiers (sauf 5 lui-même). Ce sont les liponombres pour lesquels N7 vaut 0, 5, 10 ou 25. Cependant, ceux terminés par 0 ou 10 ont déjà été éliminés en tant que nombres pairs. Les liponombres divisibles par 5 mais non par 2 sont donc ceux terminés par 5 ou 25, qui sont au nombre de 136 × 2.

Les liponombres pouvant être premiers après élimination des multiples de 2 et de 5 sont donc ceux pour lesquels N7 vaut 1, 3 ou 23, plus le nombre 5 lui-même. Il en existe (136 × 3) + 1 = 14 480 428.

On peut encore éliminer les multiples de 3. En effet, on sait qu'un nombre est divisible par 3 si et seulement si la somme de ses chiffres l'est aussi. Dans le cas des liponombres, cela revient à dire que la somme N1 + N2 + ... + N7 est divisible par 3 (le fait que les composantes puissent avoir un ou deux chiffres ne change pas ce résultat).

Nous savons déjà que N7 doit être égal à 1, 3 ou 23. Or il se trouve que ces trois nombres ont pour restes respectifs 1, 0 et 2 dans la division par 3. Donc une fois choisies des valeurs quelconques pour N1 à N6 parmi les liponombres de base, il y a toujours une façon et une seule de les compléter par une valeur de N7 telle que le nombre résultant soit divisible par 3 mais ni par 2 ni par 5.

Prenons par exemple, au hasard, le nombre : huit quatrillions vingt-trois trillions cinq milliards un million XX, soit 8 000 023 000 000 005 001 000 0XX. Les treize valeurs envisageables pour les deux derniers chiffres sont :

On voit que pour chaque choix des valeurs de N1 à N6 parmi les treize possibles, il existe exactement deux valeurs de N7 qui fournissent des liponombres « potentiellement premiers » (c'est-à-dire non divisibles par 2, 3 ou 5). En ajoutant le cas particulier du nombre 5, le nombre de liponombres potentiellement premiers est donc : (136 × 2) + 1 = 9 653 619.

Note : dans le cas où toutes les composantes N1 à N6 sont nulles, il y a bien une valeur de N7 qui donne un multiple de trois, mais ce multiple de trois est aussi premier (puisque c'est 3 lui-même). Cependant le nombre 1 n'étant pas considéré comme premier, il reste bien deux nombres premiers sur les trois (3 et 23) : le décompte général s'applique aussi à ce cas particulier.

Nous avons testé tous ces nombres un par un à l'aide d'un programme informatique capable de déterminer très rapidement si un nombre, même grand, est premier ou non. En réalité la méthode employée n'est que probabiliste : si le programme affirme qu'un nombre n'est pas premier, il ne l'est effectivement pas ; mais si le programme affirme qu'un nombre est premier, il y a une certaine probabilité qu'il ne le soit pas réellement. Comme le risque d'erreur est d'environ 10-15 (une chance sur mille billions), nous considérons les résultats comme suffisamment fiables pour la présente étude. La conclusion de cette étude exhaustive est :

il existe 512 233 liponombres premiers.

Les plus petits sont : trois, cinq, vingt-trois, un million trois, six millions vingt-trois, huit millions vingt-trois...

Le plus grand liponombre premier est :

vingt-huit quintillions vingt-huit quatrillions vingt-huit trillions vingt-huit billions vingt-six milliards huit millions trois
soit 28 000 028 000 028 000 028 026 008 000 003.

Les liponombres premiers suivants par ordre décroissant commencent par les mêmes vingt chiffres et se terminent respectivement par : 025 023 000 001, 025 018 000 003, 025 008 000 001, 025 000 000 003...

La proportion de nombres premiers parmi les liponombres est de 512 233 / 62 748 516 soit environ un sur 122. Or parmi l'ensemble de tous les entiers inférieurs à vingt-huit quintillions, cette proportion est d'environ 1/(Log(28.1030)-1) ou un sur 71. Un liponombre pris au hasard a donc nettement moins de chances d'être premier qu'un entier quelconque pris au hasard.

Ceci s'explique par le fait que le dernier chiffre des liponombres n'est pas réparti uniformément mais est déterminé par les treize valeurs possibles de la dernière composante. La proportion de liponombres divisibles par deux ou cinq est de 10/13 (77%) contre seulement 6/10 (60%) pour les nombres ordinaires. Si l'on élimine tous les multiples de 2 et de 5, la proportion de nombres premiers parmi les liponombres restant est de 512 233 / 14 480 428 ou un sur 28 ; la proportion parmi les entiers inférieurs à vingt-huit quintillions passe à un sur (71 × 4/10) soit pratiquement la même.

6. Liponombres parfaits.

On appelle nombre parfait un nombre entier qui est égal à la somme de ses diviseurs. Les plus petits nombres parfaits sont six (= 1+2+3) et vingt-huit (= 1+2+4+7+14), qui sont tous deux des liponombres. Ce début prometteur annonce-t-il une longue série de liponombres parfaits ? Nous allons voir qu'il n'en est rien, et que ces deux exemples constituent des exceptions et non la règle.

Les nombres parfaits sont très rares. Quoique les spécialistes pensent qu'il en existe une infinité, on en connaît aujourd'hui moins de quarante. Il n'existe que huit nombres parfaits inférieurs à un sextillion : 6, 28, 496, 8 128, 33 550 336, 8 589 869 056, 137 438 691 328 et 2 305 843 008 139 952 128, et l'on voit immédiatement que seuls les deux premiers sont des liponombres. Comme il n'y a pas de liponombre supérieur à un sextillion, nous pourrions nous en tenir là.

On peut aller plus loin et montrer que même en étendant indéfiniment la nomenclature des grands nombres, et quels que soient les nouveaux nombres parfaits découverts, il n'y aura pas d'autre liponombre parfait. Le principe de la démonstration est le suivant :

Il est bien connu que tous les nombres parfaits pairs sont nécessairement de la forme 2n-1×(2n-1), où n doit notamment être un nombre premier. Si l'on calcule les trois derniers chiffres de 2n-1×(2n-1) pour les valeurs successives de n, on constate :

Quant aux nombres parfaits impairs, il est pratiquement certain qu'il n'en existe pas, bien que cela n'ait pas été démontré à ce jour. En tout cas, il est établi que s'il en existe un il possède au moins 300 chiffres, et ne peut donc pas être un liponombre.

7. Extension du vocabulaire.

Comme expliqué dans la section 1, nous nous sommes limités jusqu'à présent à un vocabulaire minimal pour désigner les grands nombres. Nous allons maintenant reprendre rapidement tous les points abordés dans les sections précédentes pour examiner l'impact de ce choix.

Le décret du 3 mai 1961 donne une règle générale : un (N) illion désigne le nombre 106N. Les exemples cités suggèrent implicitement que N doit être exprimé sous forme d'un préfixe d'origine latine, sans fixer de limite à sa valeur.

Les termes que nous avons rencontrés au hasard de nos lectures sont : million, billion, trillion, quatrillion ou quadrillion, quintillion, sextillion, septillion, octillion, nonillion, décillion, undécillion, duodécillion, tredécillion, quattuordécillion, quindécillion, sexdécillion, septendécillion, octodécillion, novemdécillion et vigintillion (10120). Bien que la série puisse en principe être prolongée ad libitum, on ne rencontre guère ensuite que le centillion (10600), ainsi que deux nombres « hors série » à l'étymologie particulière : le googol (10100) et le googolplex (1010100).

De plus, le couple « million - milliard » se généralise facilement, chaque « lion » recevant le « liard » qui lui revient.

Pour nommer les liponombres, nous retiendrons dans cette collection les termes ne contenant pas d'E. Par simple souci d'esthétique et de régularité, nous n'avons pas retenu le googol, mais les lecteurs que cela chagrine pourront sans peine le réintégrer.

Nous utiliserons donc les termes suivants :

million (106), milliard (109), billion (1012), billiard (1015), trillion (1018), trilliard (1021), quatrillion (1024), quatrilliard (1027), quintillion (1030), quintilliard (1033), octillion (1048), octilliard (1051), nonillion (1054), nonilliard (1057), vigintillion (10120) et vigintilliard (10123).

Armés de ces nouveaux outils, reprenons quelques-uns des résultats précédents.

Nous avions montré que les liponombres sont en quantité finie, car les plus grands nombres comprenaient le mot « sextillion » qui contient un E. Ce n'est plus le cas maintenant, puisque le plus grand terme que nous avons retenu est « vigintilliard », qui ne comprend pas d'E. Cependant, les nombres plus grands sont du type « trois millions de vigintilliards de vigintilliards » et contiennent quand même un E à cause du mot « de ». Ainsi, même avec notre vocabulaire étendu, nous ne pourrons nommer qu'un nombre fini de liponombres.

Au lieu des sept composantes par lesquelles nous définissions nos liponombres, il nous en faut maintenant dix-sept : N1 vigintilliard(s) N2 vigintillion(s) N3 nonilliard(s) ... N16 millions N17. Le plus grand liponombre est maintenant :

28 028 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 028 028 028 028 000 000 000 000 028 028 028 028 028 028 028 028 028 028 000 028

et le nombre total des liponombres est :

1317 - 1 = 8 650 415 919 381 337 932

soit plus de huit trillions de nombres, contre seulement soixante-deux millions précédemment.

En ce qui concerne l'arithmétique, le seul résultat affecté par notre changement de vocabulaire est la probabilité que deux liponombres pris au hasard aient pour somme un liponombre. Au lieu de (56/169)7 (environ une chance sur 2280), cette probabilité n'est plus maintenant que de

(56/169)17 = 523 837 348 053 896 201 440 996 622 336 / 74 829 695 578 286 078 013 428 929 473 144 712 489 = 0,000000007000393948...

soit moins d'une chance sur 142 millions.

Pour les nombres premiers, la méthode que nous avons utilisée qui consiste en une énumération exhaustive est totalement hors de portée avec le vocabulaire étendu. Même si les remarques sur la divisibilité par 2, 3 et 5 restent intégralement valables et permettent de diviser le nombre de tests à effectuer par 6,5 il en reste plus d'un trillion.

On peut tout au plus estimer le nombre de liponombres premiers en supposant que la proportion de nombres premiers parmi les liponombres est la même que parmi l'ensemble des entiers de même taille après élimination des multiples de 2 et 5, comme nous l'avons observé avec le vocabulaire restreint.

La proportion de nombres premiers parmi les entiers inférieurs à vingt-huit vigintilliards est approximativement 1/(Log(28.10123)-1) ou environ un sur 285. En éliminant les multiples de 2 et 5, elle passe à un sur 114. Si cette proportion est la même parmi les liponombres non multiples de 2 ou 5, lesquels sont au nombre de (1316)×3, on en tire :

il existe approximativement (1316)×3/114 = 17 billiards de liponombres premiers.

Même s'il n'est pas question de les énumérer tous, rien n'empêche de commencer cette énumération par le haut à l'aide d'un ordinateur, et d'en conclure :

Le plus grand liponombre premier est
28 028 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 028 028 028 028 000 000 000 000 028 028 028 028 028 028 028 028 020 000 000 001
vingt-huit vigintilliards vingt-huit vigintillions vingt-huit nonilliards vingt-huit nonillions vingt-huit octilliards vingt-huit octillions vingt-huit quintilliards vingt-huit quintillions vingt-huit quatrilliards vingt-huit quatrillions vingt-huit trilliards vingt-huit trillions vingt-huit billiards vingt-huit billions vingt milliards un.

ou, pour ceux qui tiennent à l'emploi du googol :

28 028 000 000 000 000 000 000 280 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 028 028 028 028 000 000 000 000 028 028 028 028 028 028 028 028 026 005 000 003
vingt-huit vigintilliards vingt-huit vigintillions vingt-huit googols vingt-huit nonilliards vingt-huit nonillions vingt-huit octilliards vingt-huit octillions vingt-huit quintilliards vingt-huit quintillions vingt-huit quatrilliards vingt-huit quatrillions vingt-huit trilliards vingt-huit trillions vingt-huit billiards vingt-huit billions vingt-six milliards cinq millions trois.

Remerciements

Mes sincères remerciements à Alain Zalmanski qui m'a communiqué le texte du décret n° 61-501.

Cet article a été repris en grande partie par Jean-Paul Delahaye pour sa rubrique Logique et calcul : Des nombres à la lettre... dans la revue Pour la Science n° 271, mai 2000.

Il est aussi référencé dans l'Encyclopédie en ligne des suites de nombres entiers (en anglais The On-Line Encyclopedia of Integer Sequences ou OEIS) à propos des suites A014254 (liponombres) et A050280 (liponombres premiers).

Post-scriptum 1.

Peu après avoir terminé cet article, j'ai appris l'existence d'une nomenclature, proposée par les mathématiciens J. Conway et R. Guy, qui étend la nomenclature habituelle des grands nombres et permet de nommer de façon systématique tous les entiers jusqu'à l'infini. Il se trouve que dans ce système il existe, de façon évidente, une infinité de liponombres. Si cette nomenclature est un jour adoptée comme norme internationale, ce qui n'est pas invraisemblable, le présent article deviendra donc automatiquement caduc. En attendant, vous pouvez explorer le système de Conway et Guy sur la page Les grands nombres en français.

Post-scriptum 2.

Quinze ans après l'écriture de cet article, les archives de l'Oulipo ont été rendues publiques sur Gallica. GEF y a repéré ce petit texte lipogrammatique écrit par Georges Perec en 1968 qui met en scène la somme des cinq premiers liponombres (cf. la remarque dans la section 4.1 ci-dessus) :

MATHS : L'ADDITION

Un prof (Arnaud ?, Braffort ?, Duchamp ?, Roubaud ?, Raymond ?) dit à François :

1 000 000 001 + 1 000 000 003 + 1 000 000 005 + 1 000 000 006 + 1 000 000 008 ça fait quoi ?

— Ça fait 5 000 000 018 dit, hagard, François.

— Non, poor ballot, ça fait 5 000 000 023, dit Raymond qui, narquois, ajouta : CQFD.


Nicolas Graner, janvier 2000, Licence Art Libre