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Avatars de Nerval

Rondeaux

Élisabeth Chamontin & Camille Abaclar


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Voir aussi :
Rotrouenge
Viel françoys

À la fée de la grotte

Le ténébreux, le veuf, l'inconsolé,
C'est moi le monarque au luth constellé.
Près de Bordeaux ma tour est abolie :
J'ai donc sombré dans la Mélancolie
Ma seule étoile ayant dégringolé,

Et le soleil pour moi s'étant voilé
Jusqu'à noircir son front auréolé
Pour devenir moi-même en sa folie
      Le ténébreux.

Sans doute au tombeau m'as-tu consolé
Mais mon jasmin latin, tu l'as volé.
Amour à Phébus jamais ne s'allie
De ton baiser ma figure est salie
Sainte ou sirène, ah, tu as bien roulé
      Le ténébreux.


À la Reine, pour un baiser

Je suis le veuf l'inconsolé
Prince obscur au donjon fêlé
J'aimais les fleurs de l'Italie
Mais un jour la Mélancolie
Comme un fil de fer barbelé

Enserrant mon cœur désolé
Sur son théorbe constellé
Me dit : pauvre étoile salie
      Je suis le veuf

Jadis mon front fut bariolé
D'un baiser, royal libellé...
J'ai ouï crier la fée jolie
Et soupirer sainte abolie
Las ! Comme Orphée tout esseulé
      Je suis le veuf.


El Dedischarondo

Le ténébreux le veuf l'inconsolé
Prince aquitain à la tour abolie
Étoile morte au sitar constellé
Soleil noirci de la Mélancolie

Il est ce prince ou cette anomalie
Dans le tombeau toi qui l'as consolé
Rends fleur et mer à celui qu'on spolie
Le ténébreux le veuf l'inconsolé

Rends Pausilippe à son cœur désolé
Rends-lui le pampre à la rose il s'allie
Et rends la treille à cet écervelé
Prince aquitain à la tour abolie

Amour, Phébus, il est dieu d'Italie
Ou Lusignan dont le front rissolé
Vit le baiser d'une reine en folie
Étoile morte au sitar constellé

Il fut Biron dans la grotte exilé
De la sirène il se fit le coolie
Ou d'Eurydice en esclave stylé
Soleil noirci de la Mélancolie

Vainqueur deux fois de la noire embolie
Il est d'Orphée un pur fac-similé
Bien que la sainte soupire impolie
On croit la fée qui nous a révélé
      Le ténébreux


Le rondeau est une forme fixe composée de treize vers octo ou décasyllabiques sur deux rimes, les premiers mots du poème étant répétés comme un refrain en-dehors des vers proprement dits, à la fin du tercet et à la fin du poème.

Le rondeau redoublé (appelé par Marot rondeau parfaict) est aussi sur deux rimes, mais comporte six quatrains : le premier vers du premier quatrain devient le dernier du second, le deuxième le dernier du troisième etc. Le dernier quatrain doit se terminer en refrain par les premiers mots du premier quatrain.


© Élisabeth Chamontin – 2000